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doivent estre naturellement sujettes à leurs Maris, ont autant de pouvoir qu’eux. Les Filles se moquent de leurs Méres, lorsqu’il s’agit de prêter l’oreille à leurs Amans ; En un mot, toute cette liberté se réduit à vivre dans une débauche, perpétuelle, & donne à la Nature tout ce qu’elle demande, à l’imitation des Bêtes. Les Filles des Hurons font consister leur sagesse dans le secret, & dans l’invention de cacher leurs débauches.[1] Courir la luméte parmi vous autres, est ce qui s’appelle chez nous, chercher avanture. Tous vos jeunes Gens courent cette luméte tant que la nuit dure. Les portes des Chambres de vos Filles sont ouvertes à tous venans ; & s’il se présente un jeune Homme qu’elle n’aime pas, elle se couvre la teste de sa couverture. C’est à dire qu’elle n’en est point tentée. S’il en vient un second, peut-estre elle luy permétra de s’asseoir sur le pied de son lit, pour parler avec elle, sans passer outre. C’est à dire qu’elle veut ménager ce drôle-là pour avoir plusieurs cordes à son arc ; en vient-il un troisième qu’elle veut duper, avec une plus feinte sagesse, elle luy permétra de se coucher auprés d’elle sur les couvertures du lit. Celuy-ci est-il parti, le quatriéme arrivant trouve le lit & les bras de la fille ouverts à son plaisir, pour deux ou trois heures ; & quoi qu’il n’employe ce temps-là à rien moins qu’en paroles, on le croit cependant à la bonne foy. Voilà, mon cher A-

  1. C’est entrer, pendant la nuit, dans la Chambre de sa Maîtresse, avec une espéce de Chandelle.