Page:Lahontan - Dialogues avec un Sauvage.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la Nation, que pour la défendre de ses Ennemis. Les François ne combatent point pour l’interêt de la Nation, comme nous faisons, ce n’est que pour leur propre intérêt & dans la vûe d’aquérir des Emplois qu’ils combatent. L’amour de la Patrie & de leurs Compatriotes y ont moins de part que l’ambition, les richesses, & la vanité. Enfin, mon cher Frére, je conclus ce discours en t’assûrant, que l’amour propre des Chrêtiens, est une folie que les Hurons condamneront sans cesse. Or cette folie qui régne en tout parmi vous autres François, ne se remarque pas moins dans vos amours & dans vos mariages ; lesquels sont aussi bizarres que les gens qui donnent si sottement dans ce paneau.

Lahontan.

Ecoute, Adario, je me souviens de t’avoir dit qu’il ne faloit pas juger des actions des honétes gens, par celles des Coquins. J’avoüe que tu as raison de blâmer certaines actions que nous blâmons aussi. Je conviens que la propriété de biens est la source d’une infinité de passions, dont vous estes exempts. Mais, si tu regardes toutes choses du bon côté, & sur tout nos amours & nos mariages, le bel ordre qui est établi dans nos Familles, & l’éducation de nos Enfans, tu trouveras une conduite merveilleuse dans toutes nos Constitutions. Cette Liberté, que les Hurons nous prêchent, cause un désordre épouvantable. Les Enfans sont aussi grands maîtres que leurs Péres, & les Femmes qui