Page:Lahontan - Dialogues avec un Sauvage.djvu/113

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grand ; car, enfin, je ne conçoi pas qu’une femme puisse penser à la rigueur de cette châine éternelle, sans chercher quelque espéce de soulagement à ses maux, chez quelque bon Ami. Je pardonnerois les François s’ils s’en tenoient à leur mariage sous certaines conditions ; c’est-à dire, pourvû qu’il en provînt des enfans, & que le mari & la femme eussent toûjours une assez bonne santé pour s’aquiter, comme il faut, du devoir du mariage. Voilà tout le réglement qu’on pourroit faire chez des Peuples qui ont le Tien & le Mien. Or il s’agit encore d’une chose impertinente ; C’est que parmi vous autres Chrêtiens les hommes se font gloire de débaucher les femmes ; comme s’il ne devoient pas, selon toute sorte de raisons, estre aussi criminel aux uns qu’aux autres de sucomber à la tentation de l’amour. Vos jeunes Gens font tous leurs éforts pour tenter les Filles & les Femmes. Ils employent toutes sortes de voyes pour y réüssir. Ensuite ils le publient, ils le disent par tout. Chacun loue le Cavalier, & méprise la Dame ; au lieu de pardonner la Dame, & de châtier le Cavalier. Comment prétendez vous que vos Femmes vous soient fidéles, si vous ne l’étes pas à elles ? Si les Maris ont des Maîtresses, pourquoy leurs Epouses n’auront-elles pas des Amans ? Et si ces Maris préférent les jeux & le vin à la compagnie de leurs femmes, pourquoy ne chercheront elles pas de la consolation avec quelque Ami ? Voulez-vous que vos Femmes soient sages, soyez ce que vous appellez Sauvages,