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soigneusement le devant & le derriére. Au reste, nos Filles sont en recompense plus modestes que les vôtres ; car on ne voit en elles rien de nud que le gras de la jambe, au lieu que les vôtres montrent le sein tellement à découvert que nos jeunes gens ont le nez collé sur le ventre, lorqu’ils trafiquent leurs Castors aux belles Marchandes qui sont dans vos Villes. Ne seroit-ce pas là, mon Frére, un abus à réformer parmi les François ? Car, enfin, ne sçay je pas de bonne part qu’il n’est guére de Françoise, qui puisse résister à la tentation de l’objet de qui leur sein découvert provoque l’émotion. Ce seroit le moyen de préserver leurs Maris du mal chimérique de ces Cornes que nous plantons sur leur front, sans les toucher, ni même les voir ; ce qui se fait par un miracle que je ne sçaurois concevoir. Car, enfin, si je plante un pommier dans un jardin, il ne croît pas sur le sommet d’un rocher ; ainsi vos Cornes invisibles ne doivent prendre racine qu’à l’endroit où leur semence est jettée ; D’où il s’ensuit qu’elles devroient sortir du front de vos Femmes, pour représenter les outils du Mari & du Galand. Au reste, cette folie de Cornes est épouvantable ; car pourquoy chagriner un Mari de cette injure, à l’ocasion des plaisirs de sa Femme ? Or s’il faut épouser les vices d’une femme en l’épouzant, le mariage des François est un Sacrement qui ne doit pas être fondé sur la droite raison ; ou bien il faut de nécessité retenir son Epouse sous la clef pour éviter ce deshonneur. Il faut que le nombre de ces Maris soit bien