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fesses artificielles d’avec les naturelles. Il y auroit encore un grand inconvenient si les Européans alloient nuds ; c’est que ceux qui seroient bien armez trouveroient tant de pratique & tant d’argent à gagner, qu’ils ne songeroient à se marier de leur vie, & qu’ils donneroient occasion à une infinité de femmes de violer la foy conjugale. Imagine-toy que ces raisons n’ont aucun lieu parmi nous, où il faut que tout serve, sans exception, tant petits que grands ; les filles qui voient de jeunes gens nuds, jugent à l’œil de ce qui leur convient. La Nature n’a pas mieux gardé ses proportions envers les femmes qu’envers les hommes. Ainsi, chacune peut hardiment juger qu’elle ne sera pas trompée en ce qu’elle attend d’un Mari. Nos femmes sont capricieuses, comme les vôtres, ce qui fait que le plus chetif Sauvage peut trouver une femme. Car comme tout paroît à découvert, nos filles choisissent quelquefois suivant leur inclination ; sans avoir égard à certaines proportions : les unes aiment un homme bien fait, quoiqu’il ait je ne sçay quoy de petit en luy. D’autres aiment un mal bâti pourveu qu’elles y trouvent je ne sçay quoy de grand ; & d’autres préférent un homme d’esprit & vigoureux, quoiqu’il ne soit ni bien fait, ni bien pour veu de ce que je n’ay pas voulu nommer. Voilà, mon Frére, tout ce que je puis te répondre sur le crime de la nudité, qui, comme tu sçais, ne doit uniquement estre imputé qu’aux Garçons ; puisque les gens veufs ou mariez cachent