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vous. Ensuite, il faudroit retrancher la nudité ; car enfin le privilége que vos Garçons ont d’aller nuds, cause un terrible ravage dans le cœur de vos filles ; car n’étant pas de bronze, il ne se peut faire qu’à l’aspect des piéces, que je n’ozerois nommer, elles n’entrent en rut en certaines occasions, où ces jeunes Coquins font voir que la Nature n’est ni morte ni ingrate envers eux.

Adario.

La raison que tu me donnes de la sterilité de nos femmes est merveilleuse, car je conçoi maintenant que cela se peut. Tu condamnes aussi fort à propos le crime de ces Filles qui se font avorter avec leurs breuvages. Mais ce que tu dis de la nudité ne s’acorde guére avec le bon sens. Je conviens que les Peuples chez qui le tien & le mien sont introduits, ont grande raison de cacher non seulement leurs Parties viriles mais encore tous les autres membres du corps. Car à quoy serviroit l’or & l’argent des François, s’ils ne les employoient à se parer avec de riches habits ? puisque ce n’est que par le vêtement qu’on fait état des gens. N’est-ce pas un grand avantage pour un François de pouvoir cacher quelque défaut de nature sous de beaux habits ? Croy-moy, la nudité ne doit choquer uniquement que les gens qui ont la propriété des biens. Un laid homme parmi vous autres, un mal bâti trouve le secret de se rendre beau & bien fait, avec une belle perruque, & des habits dorez, sous lesquels on ne peut distinguer les hanches & les