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te fille haissoit le Mari que son Pére prétendoit luy donner. Il faut que tu saches que nous ne faisons jamais de mariage entre parens, quelque éloigné que puisse être le degré de parentage. Que nos femmes ne se remarient plus dés qu’elles ont atteint l’âge de quarante ans, parceque les enfans qu’elles font au dessus de cet âge-là sont de mauvaise constitution. Cependant, ce n’est pas à dire qu’elles gardent la continence ; au contraire, elles sont beaucoup plus passionnées à cet âge qu’à vint ans ; ce qui fait qu’elles écoutent si favorablement les François, & que même elles se donnent le soin de les rechercher. Tu sçais bien que nos femmes ne sont pas si fécondes que les Françoises, quoi-qu’elles se lassent moins qu’elles d’estre embrassées ; cela me surprend, car il arrive en cela tout le contraire de ce qui devroit arriver.

Lahontan.

C’est par la même raison que tu viens de dire, mon pauvre Adario, qu’elles ne conçoivent pas si facilement que nos Femmes. Si elles ne prenoient pas si fréquemment les plaisirs de l’amour, ni avec tant d’avidité, elles donneroient le temps à la matiére convenable à la production des enfans, de se rendre telle qu’il faut qu’elle soit pour engendrer. Il en est de même qu’un Champ dans lequel on semeroit sans celle du bled d’Inde, sans le laisser jamais en friche ; Car il arriveroit qu’à la fin il ne produiroit plus