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fermer afin que le suc nourissier ne sorte pas en même temps par le même chemin ouvert. Ce qu’on ne sçauroit empêcher à moins qu’on ne se jette dans l’eau froide, comme nous faisons. Il en est de même que si des loups estoient entrez dans vos Bergeries ; alors vous ouvririez vîte les portes, afinque ces méchans animaux en sortissent ; mais ensuite vous ne manqueriez pas de les fermer, afin que vos Moutons ne les suivissent pas. Vos Médecins auroient raison de dire qu’un homme qui s’échauferoit à la chasse ou à quelque Exercice violent, & se jetteroit ensuite dans l’eau froide, se risqueroit extrémement à perdre la vie. C’est un fait incontestable, car le sang étant agité & boüillant, pour ainsi dire, dans les veines, il ne manqueroit pas de se congeler ; de la même maniére que l’eau boüillante se congéle plus facilement que l’eau froide, lorsqu’on l’expose à la gelée, ou qu’on la jette dans une fontaine bien froide. C’est tout ce que je puis penser sur cette affaire. Au reste, nous avons des maladies qui sont également ordinaires aux François. Ce sont la petite vérole, les fiévres, pleurésies & même nous voyons assez souvent parmi nous une espèce de malades que vous appellés hypocondriaques. Ces fous s’imaginent qu’un petit Manitou gros comme le poing, & que nous appellons Aoutaerohi, en nostre langue, les posséde, & qu’il est dans leurs corps, sur tout dans quelque membre qui leur fait tant soit peu de mal. Ceci provient de la foiblesse d’esprit de ces gens-là, Car enfin, il y a des ignorans & des fous parmi nous,