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Scorbut & que nous appellons le mal froid, par les simptomes & les causes de ces maladies, que nous avons observées depuis que les François sont en Canada. Voilà bien des maladies qui régnent parmi vous autres, & dont vous avez bien de la peine à guerir. Vos Médecins vous tuent, au lieu de vous redonner la santé ; parce qu’ils vous donnent des remédes qui, pour leur intérest, entretiénent long-temps vos maladies, & vous tuent à la fin. Un Médecin seroit toûjours gueux s’il guérissoit ses malades en peu de temps. Ces gens-là n’ont garde d’aprouver nostre maniere de suer, ils en connoissent trop bien la conséquence ; & quand on leur en parle, voicy ce qu’ils disent. Il n’y a que des foux capables d’imiter les foux ; les Sauvages ne sont pas appellez Sauvages pour rien ; leurs remédes ne sont pas moins sauvages qu’eux : s’il est vray qu’ils suent, & se jettent ensuite dans l’eau froide ou dans la neige, sans crever sur le champ, c’est à cause de l’air, du climat, & des alimens de ces Peuples, qui sont diférens des nôtres : mais cela n’empêche pas que tel Sauvage est mort à 80. ans qui en auroit vêcu 100. s’il n’avoit pas usé de ce reméde épouvantable. Voilà ce que disent vos Médecins, pour empêcher que vos Peuples d’Europe se trouvent en état de se passer de leurs remédes. Or, il est constant que si de temps en temps vous vouliez suer de cette maniére, vous-vous porteriez le mieux du monde, & tout ce que le vin, les épiceries, les excez de femmes, de veilles, & de fati-