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à travers la suède

dans l’enfoncement rond du milieu, elle pouvait non seulement jouir de la vue d’une bonne partie de la Scanie, mais elle avait aussi sous les yeux des églantines et des fleurs de joubarbe.

Dès le premier coup d’œil Akka et le gamin se rendirent compte que tout était sens dessus dessous dans toute la maison. Sur les bords du nid siégeaient deux chouettes, un vieux chat gris, et une douzaine de rats décrépits aux dents proéminentes et aux yeux pleurards. Ce ne sont point des animaux qu’on trouve d’habitude en conférence pacifique.

Aucun d’eux ne se retourna pour regarder Akka et lui souhaiter la bienvenue. Tout entiers à leur occupation, ils suivaient des yeux les longues lignes grises qu’on entrevoyait dans les champs dénudés par l’hiver. Les rats noirs, muets, étaient plongés dans un profond désespoir ; ils se rendaient nettement compte qu’ils ne pouvaient défendre ni leur propre vie ni le château. Les deux chouettes roulaient des yeux ronds, faisaient virer leurs lunettes de plumes, et parlaient d’une voix sinistre et âpre de la grande cruauté des rats gris. Elles se voyaient forcées de quitter leur nid, car elles avaient entendu dire qu’ils n’épargnaient ni les œufs ni les oisillons. Le vieux chat tigré était sûr que les rats gris le tueraient puisqu’ils arrivaient en si grand nombre, et il ne faisait que chicaner les rats noirs : « Comment avez-vous pu faire la bêtise de laisser partir vos meilleurs guerriers ? disait-il. Comment avez-vous pu avoir confiance dans les rats gris ? C’est impardonnable. »

Les douze rats noirs ne répliquaient pas un mot, mais la cigogne, malgré son ennui, ne put s’empê-