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le merveilleux voyage de nils holgersson

À peine çà et là, en des endroits isolés et déserts, en trouvait-on quelques-uns ; à Glimmingehus ils étaient encore en assez grand nombre.

Lorsqu’un peuple d’animaux disparaît, ce sont en général les hommes qui en sont cause, mais tel n’était pas le cas. Les hommes avaient, certes, fait la guerre aux rats noirs ; ils n’avaient pas pu leur nuire beaucoup. Ceux qui les avaient vaincus étaient un peuple de leur propre espèce, les rats gris.

Ces rats gris n’étaient point installés dans le pays depuis un temps immémorial comme les rats noirs. Ils descendaient de quelques pauvres colons qui, une centaine d’années plus tôt, avaient débarqué à Malmö d’un navire de Lübeck. C’étaient de pauvres misérables, affamés et sans foyer, qui vivotaient dans le port même, nageant entre les pilotis, sous les ponts, et se nourrissant de détritus qu’on jetait à l’eau. Ils ne se risquaient jamais dans la ville qu’occupaient les rats noirs.

Peu à peu cependant, leur nombre augmentant, ils étaient devenus plus hardis. Pour commencer, ils s’installèrent dans quelques vieilles maisons abandonnées que les rats noirs avaient délaissées. Ils cherchaient leur nourriture dans les ruisseaux et les balayures, et ramassaient tous les débris dont les rats noirs ne voulaient pas. Ils étaient endurants, contents de peu et intrépides ; en peu d’années ils étaient devenus assez nombreux pour chasser les rats noirs de Malmö. Ils leur prenaient, pas à pas, les greniers, les caves et les magasins, en les forçant par la faim à se rendre, ou en les tuant, car ils ne craignaient pas la lutte.

Malmö pris, ils partirent par grands et petits groupes à la conquête du pays entier. Il est difficile