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le merveilleux voyage de nils holgersson

rendu un service. J’ai envoyé un message au tomte qui t’a ensorcelé. D’abord il n’a pas voulu entendre parler de te rendre ta première forme, mais je lui ai envoyé message sur message pour lui dire comme tu t’es bien conduit parmi nous. Il te fait enfin savoir qu’il te laissera redevenir homme, dès que tu retourneras chez toi. »

Autant le gamin s’était réjoui lorsque l’oie sauvage avait commencé à parler, autant il fut affligé lorsqu’elle se tut ; il ne dit pas un mot, se détourna et se mit à pleurer.

— Qu’est-ce que cela signifie ? dit Akka. On dirait que tu attendais de moi plus que je ne t’offre ?

Nils qui pensait aux jours insoucieux et aux gaies plaisanteries, aux aventures et à la liberté, et aux voyages au-dessus de la terre auxquels il fallait renoncer, hurlait littéralement de chagrin. « Je ne veux pas redevenir homme, dit-il. Je veux aller avec vous en Laponie. — Écoute bien, dit Akka, je vais te dire une chose. Le tomte est si irascible, que j’ai peur, si tu n’acceptes pas maintenant son offre, qu’il ne te soit difficile de le fléchir une autre fois. »

Chose étrange, de toute sa vie ce gamin n’avait jamais aimé personne : il n’avait jamais aimé son père, ni sa mère, ni le maître d’école, ni ses camarades de classe, ni les gamins des fermes voisines. Tout ce qu’on avait voulu lui faire faire, qu’il s’agît de jeu ou de travail, lui avait paru ennuyeux. Aussi personne ne lui manquait et il ne regrettait personne.

Les seuls êtres avec lesquels il avait pu s’entendre un peu, étaient Asa, la gardeuse d’oies, et le petit Mats, deux enfants qui, comme lui, menaient paître les oies dans les champs. Mais il ne les aimait pas vraiment, loin de là.