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le merveilleux voyage de nils holgersson

de tout son cœur, puis une pensée s’empara de lui, qui le rendit grave. « Songe donc combien tu en entendrais, de ces plaisanteries, si on te laissait venir jusqu’en Laponie. Dans l’état où tu es, un pareil voyage serait ce qu’il peut t’arriver de plus heureux. »

Les oies sauvages poursuivirent leur vol et descendirent sur un des vastes champs à l’est du château pour y paître des racines d’herbe, ce qui les occupa des heures durant. Pendant ce temps le gamin s’enfonça dans le grand parc à côté, y chercha une coudraie, et se mit en quête de noisettes oubliées. Mais la pensée du voyage lui revenait toujours. Il se figurait tous les plaisirs qu’il aurait en suivant les oies. Certes il souffrirait quelquefois de la faim et du froid, mais en revanche il n’aurait ni à travailler ni à étudier.

Tandis qu’il errait dans le parc, la vieille oie-guide vint lui demander s’il avait trouvé de quoi manger. Non, il n’avait rien trouvé. Alors elle se mit à l’aider. Elle non plus ne put découvrir de noisettes, mais elle avisa quelques fruits d’églantier. Le gamin les mangea de bon appétit, tout en se demandant ce que sa mère dirait si elle savait qu’il vivait de poisson cru et de baies gelées.

Quand les oies eurent enfin assez mangé, elles se rapprochèrent de nouveau du lac et s’amusèrent à jouer jusque vers midi. Les oies sauvages invitaient le jars domestique à lutter avec elles : c’étaient des concours de vol, de nage et de courses à pied. Le grand jars avait beau faire tous ses efforts, les oies sauvages, agiles, le battaient toujours. Le gamin demeurait tout le temps assis sur le dos du jars et l’encourageait, s’amusant autant que les autres.