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le merveilleux voyage de nils holgersson

— Si les temps étaient moins durs, on le laisserait bien vivre, mais puisque nous ne resterons probablement pas ici, que ferions-nous des oies ?

— C’est vrai.

— Viens donc m’aider à les porter dans la cuisine ! dit la mère.

Ils partirent ; quelques instants plus tard, Nils vit son père sortir de l’étable, le jars sous un bras et Finduvet sous l’autre. Le jars criait comme toujours lorsqu’il était en danger : « Au secours, Poucet, au secours ! »

Nils l’entendit très bien ; il ne bougea pourtant pas de la porte de l’écurie. Ce n’est pas qu’il se dît un seul instant que ce serait très bien pour lui si l’on tuait le jars blanc, — il ne se rappelait même pas en ce moment la condition du tomte — ; ce qui le retenait c’est que, pour sauver le jars, il faudrait se montrer tel qu’il était à ses parents ; et cela lui répugnait beaucoup.

— Ils ne sont déjà pas bien heureux, se dit-il ; faut-il que je leur fasse encore ce chagrin ?

Mais lorsque la porte se referma sur le jars, Nils oublia ses hésitations. Il traversa la cour aussi vite qu’il put et entra dans le vestibule. Il quitta ses sabots par vieille habitude, et s’approcha de la porte. De nouveau il s’arrêta.

— C’est le jars blanc qui est en danger, se dit-il, lui qui a été ton meilleur ami depuis que tu as quitté cette maison.

À cet instant il revit brusquement tous les dangers que lui et le jars avaient affrontés ensemble sur les lacs gelés et la mer tempêtueuse, et parmi les féroces bêtes de proie. Son cœur se gonfla de reconnaissance et d’affection, et il frappa à la porte.