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le merveilleux voyage de nils holgersson

— Alors je n’ose pas t’attendre ici. Il vaut mieux que tu viennes nous rejoindre au cap de Smygehuk demain matin. Tu pourras passer la nuit ici.

— Oh non ! ne partez pas, mère Akka ! s’écria Nils en sautant du mur. Il ne savait pourquoi, mais il avait le sentiment que quelque chose leur arriverait, à lui ou aux oies, et qu’ils ne se retrouveraient plus.

— Vous voyez bien que je suis triste de ne pas pouvoir retrouver ma taille normale, continua-t-il ; mais je veux que vous le sachiez, je ne regrette pas de vous avoir suivies le printemps dernier. J’aimerais mieux ne jamais redevenir un homme que de n’avoir pas fait ce voyage.

Akka aspira longuement l’air avant de répondre.

— Il y a une chose dont j’ai souvent voulu te parler, commença-t-elle. Ça ne presse pas puisque tu ne reviens pas parmi les tiens pour y rester, mais j’aime autant te le dire maintenant. Voici. Si vraiment tu penses que tu as appris quelque chose de bon parmi nous, tu n’es peut-être pas d’avis que les hommes doivent être seuls sur la terre ? Pense donc quel grand pays vous avez ! Ne pourriez-vous pas nous laisser quelques rochers nus sur la côte, quelques lacs qui ne sont pas navigables et des marais, quelques fjells déserts et quelques forêts éloignées où nous autres, pauvres bêtes, nous serions tranquilles ? Toute ma vie j’ai été chassée et poursuivie. Comme il serait bon de savoir qu’il y a quelque part un refuge pour une créature comme moi !

— Certainement je serais content de pouvoir vous venir en aide, dit le gamin, mais je n’aurai jamais beaucoup à dire parmi les hommes.

— Enfin ! Mais voilà que nous restons là à bavarder comme si nous ne devions jamais plus nous