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à travers la suède

chansons populaires avaient accompagné le rouet. On avait bûché la grammaire et l’histoire, mais on avait aussi joué du théâtre et composé des vers ; on s’était brûlé sur le fourneau en faisant la cuisine, mais on avait appris à jouer du clavecin, de la flûte, de la guitare, du violon et du piano. On avait planté des choux, des raves, des petits pois et des haricots dans le potager derrière la maison, mais on avait eu un autre jardin plein de pommes, de poires et de toutes sortes de fruits. On avait vécu isolé, mais à cause de cela même on avait eu la mémoire pleine de contes et de récits. On avait porté des vêtements tissés à la maison, mais on avait pu vivre sans soucis et indépendant.

« Nulle part au monde on n’a su mener une existence aussi douce que dans ces petits domaines seigneuriaux de mon enfance, pensa-t-elle. Il y avait une juste mesure de travail et de plaisir, et c’était la joie tous les jours. Comme j’aimerais y retourner ! Depuis que j’ai revu mon ancien foyer, il m’est pénible de le quitter. »

Puis s’adressant à l’essaim des pigeons : « Ne voulez-vous pas, dit-elle, aller dire à mon père que j’ai la nostalgie de la maison ? J’ai assez longtemps été ballottée d’un endroit à un autre. Demandez-lui s’il ne peut faire que je retourne bientôt à ma maison d’enfance. »

À peine eut-elle achevé ces mots que tout l’essaim des pigeons s’éleva en l’air et s’envola. Elle essaya de le suivre des yeux, mais il disparut très vite. On eût dit que toute la claire volée s’était évaporée dans l’air scintillant.

Les pigeons venaient justement de s’enfuir, lorsqu’elle entendit dans le jardin des cris perçants. Elle accourut, et vit quelque chose d’extraordinaire : un