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le merveilleux voyage de nils holgersson

noirs, des champs de betteraves dépouillés et nus ou bien des terres en friche. Les carreaux bruns bordés de jaune étaient certainement des bois de hêtres, car dans ces bois les grands arbres du milieu se dépouillent en hiver tandis que les jeunes arbrisseaux de la lisière gardent jusqu’au printemps leurs feuilles jaunes et desséchées. Il y avait aussi des carreaux foncés avec quelque chose de gris au milieu : c’étaient les grosses fermes aux toits de chaume noircis entourant des cours pavées. D’autres carreaux encore étaient verts au milieu avec une bordure brune : c’étaient des jardins où les pelouses verdissaient déjà, bien que l’on vît encore l’écorce nue des buissons et des haies.

Le gamin ne put s’empêcher de rire en contemplant tous ces carreaux.

Mais quand elles l’entendirent, les oies sauvages crièrent sur un ton de reproche : « Pays bon et fertile, pays bon et fertile ».

Il reprit vite son sérieux : « Comment, songeait-il, oses-tu rire après la plus terrible mésaventure qui puisse arriver à un être humain ? »

Il demeura grave un moment, mais bientôt la gaieté le reprit.

Il s’habituait à cette façon de voyager, à la vitesse, et pouvait songer à autre chose qu’à se maintenir sur le dos du jars ; il commençait à observer combien l’espace était rempli de bandes d’oiseaux, tous en route vers le nord. Et c’étaient des cris et des appels d’une bande à l’autre.

— Ah ! vous voilà, vous avez fait la traversée aujourd’hui ? criaient les uns.

— Mais oui, mais oui, répondaient les oies. Où en est le printemps ici ?