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à travers la suède

Après avoir mangé, Bataki et le gamin continuèrent leur voyage, en suivant le cours du Ljusnan. Arrivés près du village de Kolsatt, sur la frontière de Helsingland, le corbeau se posa de nouveau à terre près d’une cabane basse. Elle n’avait pas de fenêtres, rien qu’une petite lucarne. De la cheminée s’échappait une fumée mêlée d’étincelles, et on entendait à l’intérieur des coups de marteau.

— En voyant cette forge, je me rappelle qu’il y avait jadis dans ce village des forgerons si habiles qu’ils n’avaient pas leurs pareils. J’ai entendu raconter des histoires là-dessus.

— Raconte-m’en une, demanda Nils.

— Eh bien, reprit Bataki sans se faire prier, un forgeron invita une fois deux autres maîtres forgerons, l’un de Dalécarlie, l’autre de Vermland, à se mesurer avec lui dans la fabrication des clous. Le défi fut accepté, et les trois forgerons se rencontrèrent ici, à Kolsatt. Le Dalécarlien commença. Il forgea une douzaine de clous, si égaux, si aigus et si polis que nul n’aurait fait mieux. Après lui vint le Vermlandais. Il forgea lui aussi une douzaine de clous parfaits ; en outre il les fabriqua en moitié moins de temps que le Dalécarlien. Les juges du concours déconseillèrent au forgeron de Herjedalen d’essayer, car il ne pourrait faire ni mieux que l’un ni plus vite que l’autre.

— Je ne me rendrai pas, répondit-il. Il doit y avoir une troisième manière de se distinguer.

Il mit le fer sur l’enclume sans le chauffer d’abord, le réchauffa en le martelant, et forgea clou sur clou sans se servir ni de charbon ni de soufflet. Personne n’avait vu manier plus habilement le marteau, et le forgeron de Herjedalen fut déclaré le plus habile du pays.