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le merveilleux voyage de nils holgersson

faire basculer par-dessus les bords du traîneau la lourde cuve.

Tout à coup l’homme s’arrêta de nouveau et éclata de rire.

La vieille femme le regarda, le croyant fou. L’homme riait parce qu’il avait trouvé le moyen de les sauver. Comment n’y avait-il pas pensé plus tôt ?

— Écoute, Maline, ce que je te dis ! fit-il. Tu conduiras le traîneau au plus vite jusqu’au village de Linsäll. Tu diras aux gens que je suis seul sur la glace au milieu des loups et qu’ils viennent me secourir.

L’homme attendit jusqu’à ce que les loups fussent tout près du traîneau. Alors il fit tomber l’énorme cuve, sauta lui-même en bas, et se glissa sous la cuve.

Celle-ci, faite pour brasser la bière de Noël pour toute une grande ferme, le contenait facilement. Les loups bondirent autour, essayant en vain de la basculer et mordant les jables. La cuve était lourde et solide. L’homme était hors de danger.

— Dorénavant, se dit-il gravement, après s’être d’abord moqué un moment des efforts des loups, dorénavant, si jamais je me trouve dans ce qui paraît une impasse, je songerai à cette cuve. Je me dirai qu’on n’a pas besoin de se faire du tort, à soi-même ni à autrui. Il y a toujours une troisième issue qu’il s’agit seulement de trouver.

Bataki acheva son histoire sur ces mots prononcés sentencieusement comme avec une intention particulière. D’ailleurs Nils avait déjà remarqué que c’était presque toujours le cas, lorsque le corbeau racontait quelque chose.

— Que peut-il bien vouloir dire en me narrant cette histoire ? se dit-il.