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le merveilleux voyage de nils holgersson

— Il n’y a pas de place pour tant de noms dans nos têtes, criaient les oisons. Il n’y a pas de place pour tant de noms.

— Plus il entre de choses dans une tête, plus il y a de la place, répondit Akka sans s’émouvoir.

Nils pensait en lui-même qu’il était vraiment grand temps de se mettre en route pour le sud, car il était tombé beaucoup de neige, et le sol à perte de vue était blanc. Et il n’y avait pas à dire : on était bien mal à l’aise, les derniers temps, là-haut dans la vallée des fjells. La pluie, la tempête, les brouillards s’étaient succédé sans répit, et si une seule fois le temps s’était éclairci, on avait immédiatement eu de la gelée. Les baies et les champignons dont Nils s’était nourri en été, avaient gelé ou s’étaient gâtés ; à la fin il avait fallu manger du poisson cru, qu’il n’aimait guère. Les jours étaient devenus très courts, les soirées longues, et les matins étaient terriblement lents à venir pour quiconque ne pouvait dormir aussi longtemps que le soleil restait absent.

Mais enfin, les ailes des oisons s’étaient fortifiées, et le voyage vers le sud avait pu commencer. Nils était si ravi qu’il chantait et riait alternativement. Ce n’était d’ailleurs pas seulement parce qu’il faisait sombre et froid et que la nourriture devenait rare qu’il souhaitait quitter la Laponie ; il y avait autre chose aussi qui l’attirait vers la Scanie.

Les premières semaines il n’avait pas du tout eu le mal du pays. Il avait tant de plaisir à voir la Laponie. Son seul souci avait été d’empêcher tous ces essaims de moustiques qui y pullulent de le dévorer. Avec Akka ou Gorgo il avait fait de longs tours. Du haut du Kebnekaïse neigeux il avait regardé les glaciers qui entourent le pied du cône