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le merveilleux voyage de nils holgersson

la malade avait été très exigeante et ingrate, mais peu à peu elle s’était adoucie ; elle ne cessait de supplier qu’on la portât dehors sur la bruyère et qu’on la laissât mourir. Elle avait rôdé, raconta-t-elle, avec des tsiganes. Elle n’était pas elle-même d’origine tsigane : fille d’un paysan, elle s’était enfuie de chez elle pour suivre le peuple nomade. Une vieille femme de la bande, qui la détestait, lui avait envoyé cette maladie. Et, dans sa colère, cette femme lui avait aussi prédit que quiconque serait bon pour elle et l’hébergerait sous son toit aurait le même sort qu’elle. La pauvre malade croyait à ce maléfice de la tsigane et craignait maintenant de porter malheur à ses hôtes. Ceux-ci furent très impressionnés par ce récit, mais ils n’étaient pas gens à jeter à la porte une mourante.

Peu de temps après la malade était morte, et les malheurs avaient commencé. Auparavant on avait été très gai dans la maison. On avait été pauvre, mais on n’avait pas connu la misère. Le père fabriquait des peignes de tisserand ; la mère et les enfants l’aidaient au travail. Le père préparait les cadres des peignes, les enfants coupaient les dents et les limaient, tandis que la mère et la grande sœur les inséraient dans les cadres. On travaillait du matin au soir en plaisantant et en s’amusant, surtout lorsque le père racontait des histoires du temps où il avait parcouru des pays étrangers pour vendre ses peignes. Il était d’une humeur enjouée, le père, et l’on riait aux éclats à écouter ses histoires.

Le temps qui suivit la mort de la pauvre vagabonde fit aux enfants l’effet d’un mauvais rêve. Ils ne se rappelaient pas combien de temps il avait duré, mais il leur semblait une suite ininterrompue d’enterrements ;