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le merveilleux voyage de nils holgersson

Et ce jardin qu’en ce moment il apercevait ! Il y avait de beaux arbres, mais point d’arbres fruitiers, point de nobles tilleuls ni de marronniers ; rien que des sorbiers et des bouleaux ! Il y avait de jolis buissons, mais point de sureaux, ni de cytises, seulement des putiets, des lilas. Il y avait un jardin potager, mais il n’était encore ni bêché ni planté. Si un jardinet pareil venait se placer à côté du jardin d’un grand domaine de Sudermanie ! Il se sentirait pareil à un désert.

La gloire du pays, c’étaient les puissants fleuves sombres entourés de leurs vallées habitées, remplis de bois flottant, avec leurs scieries, leurs villes, leurs embouchures encombrées de bateaux. Si l’un de ces fleuves se montrait au sud du Dalelf, les fleuves et rivières là-bas s’enfonceraient sous terre, de honte.

Et pensez donc, si une plaine pareille aussi immense, aussi facile à cultiver et aussi bien située passait sous les yeux des paysans de Smâland ! Ils abandonneraient pour la labourer, en hâte, leurs maigres lopins de terre et leurs champs pierreux !

Une chose que ce pays possédait en abondance, c’était la lumière. Dans les marais les grues dormaient debout. La nuit devait être venue, mais la lumière demeurait. Le soleil, lui, n’avait pas tiré vers le sud. Au contraire, il était monté très haut vers le nord, et ses rayons frappaient maintenant le visage de Nils. Il ne manifestait encore aucune envie de se coucher. Pensez, si cette lumière, si ce soleil eût éclairé Vemmenhög ! Voilà qui ferait l’affaire de Holger Nilsson et de sa femme : un jour de travail de vingt-quatre heures !