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le merveilleux voyage de nils holgersson

tentèrent d’abord de regarder avec plaisir tous les petits minois roses entre les pierres grises. Puis ils s’intéressèrent à leur travail ; pendant que quelques-uns plantaient de petits arbres, d’autres traçaient des sillons et semaient des graines, d’autres arrachaient la bruyère qui étoufferait les plants. Les enfants se donnaient à l’ouvrage de tout leur cœur.

Après avoir regardé un moment, père se mit à donner un coup de main pour arracher la bruyère. Et bientôt toutes les grandes personnes que la curiosité avait attirées prirent part au travail. Le plaisir pour les enfants en était doublé. Et toute la commune fut bientôt réunie là-haut et besognait ferme. Certes, c’est un plaisir que d’ensemencer son champ au printemps, en songeant aux belles gerbes de blé qui pousseront de la terre, mais comme ce travail était plus captivant encore !

Ce ne seraient pas de faibles tiges vertes qui monteraient de ces semailles, mais des arbres aux troncs vigoureux et aux puissants rameaux. Ces semailles ne produiraient pas une récolte d’un été, mais la végétation de plusieurs années. Elles réveilleraient sur la montagne le bourdonnement des insectes, le chant des merles, le jeu des coqs de bruyères, toute l’animation de la vie sur le plateau désert. Et elles seraient comme un monument élevé pour les générations futures : on aurait pu leur laisser une hauteur dénudée et morne, et voilà qu’elles hériteraient d’une belle forêt fière. Les descendants, en y réfléchissant, comprendraient que leurs ancêtres avaient été des gens sages et bons, et penseraient à eux avec des sentiments de respect et de reconnaissance.