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à travers la suède

ces mangeurs d’oiseaux qui dévorent leurs pareils.

Un jour, ils passaient au-dessus d’une ferme où des poules picoraient dans la basse-cour.

— Un aigle ! Un aigle ! crièrent les poules en se sauvant éperdument.

Mais Gorgo, qui avait toujours entendu nommer les aigles comme de terribles malfaiteurs, ne put maîtriser sa colère. Il abaissa ses ailes, fonça droit sur une poule et lui enfonça ses serres dans le corps.

— Je t’apprendrai, moi, que je ne suis point un aigle, criait-il, furieux, en lui donnant des coups de bec.

À ce moment il entendit la voix d’Akka qui l’appelait. Obéissant, il remonta. L’oie sauvage vola au-devant de lui pour le châtier.

— Qu’est-ce qui te prend ? dit-elle en lui donnant un coup de bec. Était-ce ton intention de tuer la pauvre poule ? Tu n’as pas honte ?

Comme l’aigle se laissait morigéner sans résistance par l’oie sauvage, une tempête de cris et de risées se déchaîna dans la foule des oiseaux. L’aigle entendit les rires et se tourna vers Akka avec des regards courroucés comme s’il voulait l’attaquer. Puis tout à coup, il vira brusquement, s’élança vers le ciel à grands coups d’ailes vigoureux, monta si haut qu’aucun cri ne pouvait lui arriver, et ne cessa de planer tant que les oies purent l’apercevoir.

Trois jours plus tard il apparut de nouveau parmi les oies sauvages.

— Je sais maintenant qui je suis, dit-il à Akka. Puisque je suis un aigle, il faut bien que je vive comme vivent les aigles, mais il me semble que nous n’en pourrions pas moins être amis. Jamais je n’attaquerai ni toi ni personne de ta race.