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mains, la jeta sur ses épaules où elle s’adapta, comme vivante, et se jeta dans le fleuve.

Le marié la vit s’éloigner rapidement. Il essaya en vain de se précipiter à sa poursuite. Désespéré, il saisit alors son épieu et le lança. Il réussit mieux qu’il n’eût certes voulu ; la pauvre ondine poussa un cri déchirant et disparut dans les profondeurs.

Le pêcheur demeurait sur la rive, s’attendant à la voir reparaître ; tout à coup il vit l’eau briller d’un doux éclat et comme s’animer d’une beauté nouvelle. Elle miroitait et scintillait et répandait un éclat rose et blanc pareil à celui qui joue à l’intérieur des coquilles.

Lorsque cette eau miroitante vint battre les rives, elles semblèrent aussi se métamorphoser. Elles embaumèrent plus fort. Une tendre lueur les éclaira et leur donna une douceur insoupçonnée. Le pêcheur comprit ce qui se passait : les ondines ont en elles quelque chose qui les fait paraître plus belles que toutes les autres femmes. Le sang de l’une d’entre elles s’étant mêlé aux vagues, sa beauté illuminait le paysage : désormais ces rives héritaient du pouvoir d’inspirer de l’amour à tous ceux qui les contempleraient et de les attirer par une sorte de nostalgie.

Le vieux monsieur se tourna vers Klement, qui répondit d’un signe de tête, gravement, sans rien dire pour ne pas interrompre le récit.

— Or, remarque bien, Klement, continua le narrateur avec un petit éclat espiègle dans les yeux, que depuis ce moment les gens ont commencé à s’installer dans ces îles. Ce ne furent d’abord que des pêcheurs et des paysans ; mais un beau jour le roi et son jarl remontèrent le courant. Ils remarquèrent ces