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le merveilleux voyage de nils holgersson

Karr ne retourna voir l’élan qu’après minuit, à l’heure où il savait que Poil-Gris, après un bon somme, prenait son premier repas.

— Tu as raison, Poil-Gris, de te laisser emmener, dit-il. Tu seras gardé dans un grand jardin, et tu auras une vie sans soucis. Il est seulement dommage que tu quittes le pays sans avoir vu la forêt. Tu sais la devise de ta famille : « Les élans et la forêt font un », et toi, tu n’as pas même vu la forêt.

L’élan leva la tête de dessus le trèfle qu’il mangeait :

— J’aurais volontiers vu la forêt, mais je ne puis sortir de l’enclos, dit-il avec son indolence coutumière.

— En effet, c’est impossible quand on a les pattes aussi courtes, dit Karr.

L’élan le regarda sous cape : Karr, tout petit qu’il était, sautait la palissade plusieurs fois par jour. Poil-Gris s’approcha de la clôture, fit un bond et sans bien savoir comment c’était arrivé, se trouva libre.

Karr et Poil-Gris s’acheminèrent vers la forêt. C’était une belle nuit de clair de lune à la fin de l’été, mais sous bois il faisait assez sombre ; l’élan marchait très lentement.

— Peut-être vaut-il mieux revenir, dit Karr, tu n’as pas l’habitude de la forêt et tu pourrais te casser les pattes.

L’élan fit semblant de ne pas entendre, mais il accéléra sa marche et redressa la tête.

Karr mena l’élan dans une partie de la forêt où poussaient d’énormes sapins si serrés que le vent ne pouvait les pénétrer.

— C’est ici que les membres de ta famille s’abri-