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le merveilleux voyage de nils holgersson

nourri, avait l’air autoritaire et important d’un paysan.

— Arrête maintenant ! dit le paysan lorsqu’ils arrivèrent juste en face de l’îlot où était couché le gamin. D’un mouvement rapide il lança le harpon dans l’eau. Quand il le retira une grosse anguille se tordait au bout.

— Voilà, fit-il en détachant l’anguille. En voilà une qui n’est pas petite. Je crois que nous en avons assez pris pour cette nuit et que nous pouvons rentrer.

Le camarade ne leva pas les rames ; songeur il regardait autour de lui.

— C’est beau sur le lac ce soir, dit-il.

Et c’était bien vrai. Tout était calme ; l’eau s’étendait immobile, sauf dans le sillage du bateau, où la lueur de la torche faisait resplendir comme un chemin d’or. Le ciel était limpide et bleu, étincelant de milliers d’étoiles. Les rives disparaissaient derrière les îlots de roseaux, sauf à l’ouest. De ce côté s’élevait l’Omberg ; sombre et haut, plus puissant que dans le jour, il cachait un grand pan triangulaire du ciel.

L’autre tourna la tête pour n’être pas aveuglé par la torche, et regarda autour de lui.

— Oui, c’est un beau pays, dit-il enfin, mais la beauté n’est pourtant pas le meilleur trait de notre Ostrogothie.

— Que possède-t-elle donc de plus précieux ? demanda le rameur.

— L’Ostrogothie a toujours été une province estimée et honorée.

— C’est peut-être bien vrai, acquiesça l’autre.

— Et puis aussi il en sera toujours ainsi.

— Qu’en sait-on ? fit le rameur.