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le merveilleux voyage de nils holgersson

lui croisa les bras sur la poitrine et écarta de son front les mèches clairsemées de cheveux blancs.

Il ne pensait même pas à avoir peur d’elle. L’idée qu’elle avait vécu une vieillesse solitaire et triste l’affligeait profondément. Il veillerait du moins auprès du corps cette nuit.

Il trouva le psautier, s’assit et se mit à lire à mi-voix. Mais au milieu de sa lecture il s’arrêta, car il lui arriva tout-à-coup de penser à son père et à sa mère.

Les parents peuvent donc soupirer tant que cela après leurs enfants ! La vie peut donc leur sembler finie lorsque les enfants sont partis ! Si, chez lui, son père et sa mère le regrettaient autant que cette vieille femme avait regretté ses enfants à elle ! Cette pensée le rendit heureux, mais il n’osa s’y attarder. Il ne s’était point conduit de façon à être regretté de qui que ce fût.

Mais ce qu’il n’avait pas été, il pouvait peut-être le devenir.

Tout autour de lui il voyait les portraits des absents. C’étaient de grands hommes vigoureux et des femmes aux visages graves. C’étaient des mariées en longs voiles et des messieurs en habits de ville, et c’étaient des enfants aux cheveux frisés, en belles robes blanches. Et il semblait à Nils que tous ils regardaient fixement dans l’air avec des yeux aveugles qui ne voulaient pas voir.

« Pauvres gens ! dit Nils aux portraits. Votre mère est morte. Vous ne pouvez vous racheter d’être partis loin d’elle. Mais ma mère à moi, elle vit ! »

Il s’interrompit, hocha la tête et sourit. « Ma mère vit, répéta-t-il. Mon père et ma mère vivent tous les deux. »