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xiii
préface

l’effort, même peu héroïque, du scrupule et du sentiment, respect du rêve bienfaisant qui réconforte ou exalte l’humanité endolorie, respect de la nature, du paysage, de l’arbre et de l’animal ; devant la vie et le spectacle du monde, en quelque miroir qu’il se reflète, Selma Lagerlöf ne se défend point d’une perpétuelle et vibrante adoration. En d’autres livres elle a prouvé qu’elle n’ignore point le mal ; romancière, elle débrida d’un geste fort et sûr des plaies sanguinolentes ; elle n’a point à faire ici montre de son audace : tout au plus oppose-t-elle çà et là un discret et savoureux humour au travers de ses héros. Selma Lagerlöf aime l’humanité tout entière d’un amour plein de pitié ; l’éternelle et secrète lamentation des cœurs retentit dans toute son œuvre ; Nils Holgersson lui-même en perçoit l’angoissant écho au cours de ses célestes randonnées : « Les premiers qui aperçurent les oies sauvages ce jour-là, ce furent les mineurs de Taberg, occupés à extraire le minerai de la montagne ; quand ils les entendirent caqueter, ils s’arrêtèrent de creuser leurs trous de mine, et l’un d’eux cria aux oiseaux : « Où allez-vous ? où allez-vous ? » Les oies ne comprirent pas ce qu’il disait, mais le petit garçon se pencha et répondit pour elles : « Là où il n’y a ni pic ni marteau. » Les mineurs crurent que c’était leur propre længtan qui faisait sonner comme une parole humaine le caquetage des oies. — « Emmenez-nous ! Emmenez-nous ! crièrent-ils. — Pas cette année, répondit le petit garçon, pas cette année !… » Les oies passent ensuite au-dessus