Page:Lagerlöf - Le Merveilleux Voyage de Nils Holgersson à travers la Suède, trad. Hammar, 1912.djvu/153

Cette page a été validée par deux contributeurs.
131
le merveilleux voyage de nils holgersson

L’un des bergers était un jeune homme dont l’aspect n’offrait rien de particulier ; l’autre était un vieillard étrange. Son corps était grand et décharné, sa tête petite ; son visage avait des traits doux et tendres. On eût dit que le corps et la tête n’allaient pas ensemble.

Un instant, il resta silencieux, fixant le brouillard d’un regard infiniment las. Puis il se mit à causer avec son camarade. Celui-ci avait tiré de son sac du pain et du fromage pour souper. Il ne répondait rien aux paroles de l’autre, mais semblait l’écouter patiemment.

— Je vais te dire quelque chose, Erik, dit le vieillard. J’ai réfléchi, et je crois que jadis, dans le temps où hommes et bêtes étaient beaucoup plus grands que maintenant, les papillons ont dû être immensément grands. Il y avait une fois un papillon long de plusieurs milles ; ses ailes étaient larges comme des lacs, bleues, avec des reflets d’argent, et si belles que tous les autres animaux s’arrêtaient pour contempler le papillon lorsqu’il volait.

Malheureusement il était trop grand. Ses ailes le portaient difficilement. Tout se serait encore bien passé si seulement il avait eu la prudence de ne voler qu’au-dessus de la terre. Mais il se risqua sur la Baltique. Il n’était pas allé loin que déjà la tempête secouait ses ailes. Tu comprends, Erik, ce qui devait arriver lorsque de fragiles ailes de papillon étaient exposées à la tempête de la Baltique. Elles furent vite arrachées et emportées par les rafales, et le pauvre papillon tomba dans la mer. Il y fut ballotté par les vagues, jusqu’à ce qu’il échouât sur quelques écueils devant la côte du Smâland. Et là il resta, étendu tout de son long.