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le merveilleux voyage de nils holgersson

ver, mais son aile gauche était luxée et traînait par terre, empêchant tous ses mouvements.

— N’aie pas peur de moi, dit Nils, radouci. Je suis le Poucet, compagnon de voyage de Martin le jars, continua-t-il.

Puis il s’interrompit, ne sachant plus que dire.

Il y a parfois dans les animaux quelque chose qui nous oblige à nous demander à quelle espèce d’êtres nous avons affaire. On a presque peur que ce ne soient des êtres humains métamorphosés. Il en était ainsi de la petite oie grise. Dès que Poucet eut dit qui il était, elle inclina le cou et la tête devant lui avec infiniment de grâce ; puis d’une voix si jolie que Nils ne pouvait croire que ce fût celle d’une oie :

— Je suis bien heureuse que tu sois venu à mon aide. Le jars blanc m’a dit que personne n’est aussi intelligent et aussi bon que toi.

Elle parlait avec tant de dignité que Nils en fut tout intimidé. « Ce ne peut pas être un oiseau, se dit-il, c’est certainement une princesse enchantée. »

Il fut pris d’un grand désir de la secourir. Il plongea ses petites mains dans les plumes, et tâta l’os de l’aile. L’os n’était point brisé ; c’était dans l’articulation qu’était le mal. Le doigt du gamin s’enfonça dans une cavité vide. « Un peu de courage ! » dit-il, puis il empoigna vigoureusement l’os de l’aile et le remit en place. Il fit très vite et très bien cette opération, bien que ce fût la première fois, mais cela faisait sans doute très mal, car la pauvre petite oie poussa un cri aigu, puis elle retomba parmi les pierres, ne donnant plus signe de vie.

Nils eut très peur. Il avait voulu la secourir, et voilà qu’il l’avait tuée. Il sauta en bas du tas de