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à travers la suède

En effet la terre et la mer peuvent se rencontrer de bien des façons. Souvent la terre va au devant de la mer en déroulant des prés bas et plats, où l’herbe pousse en touffes, et la mer la rencontre avec des sables mouvants qu’elle entasse en bancs et en dunes. Elles s’aiment si peu, dirait-on, qu’elles veulent se montrer ce qu’elles ont de moins beau. Il arrive aussi qu’à l’approche de la mer, la terre dresse un rempart de montagnes comme pour arrêter une ennemie ; alors la mer lance des vagues furieuses, elle fouette, rugit, ébranle comme si elle voulait déchirer la côte.

Mais en Blekinge il en va tout autrement. La terre s’éparpille en îles, îlots et promontoires, parmi lesquels la mer s’insinue en golfes, en anses et en détroits ; elles semblent se rencontrer dans l’entente et la joie.

On ne voit pas bien tout cela en hiver, mais Nils se rendit pourtant compte que la nature ici était douce et souriante, et il commença à se sentir plus calme. Tout à coup il entendit un glapissement sinistre et aigu qui venait du parc. Il se leva et vit dans le clair de lune blanc un renard sous le balcon : Smirre avait encore suivi les oies. Mais comprenant que cette fois il n’y avait pas moyen de les attraper, il n’avait pu réprimer un long cri de dépit.

Ce cri éveilla Akka, l’oie-guide ; bien qu’elle ne pût rien voir, elle reconnut la voix. « C’est toi Smirre, qui rôdes dans la nuit ? dit-elle. — Oui, répondit Smirre, c’est moi. Je voudrais savoir ce que vous pensez de la nuit que vous avez eue grâce à moi. — Veux-tu dire que c’est toi qui nous as envoyé la martre et la loutre ? — Pourquoi nier un bel exploit ? Vous avez une fois joué avec moi le jeu des oies.