Page:Lagerlöf - Le Merveilleux Voyage de Nils Holgersson à travers la Suède, trad. Hammar, 1912.djvu/117

Cette page a été validée par deux contributeurs.
95
à travers la suède

Smirre, du haut de la crête, allongeait le museau et, dépité, regardait les oies. « Voilà une poursuite qu’il vaut autant abandonner tout de suite, dit-il. Ce n’est pas toi qui pourrais descendre une montagne aussi escarpée, ni nager dans un torrent aussi violent, et il n’y a pas au pied de la falaise la moindre bande de terre qui mène à leur gîte. Mieux vaut cesser la chasse. »

Mais comme tous les renards, Smirre abandonnait difficilement une entreprise commencée. Aussi s’étendit-il tout au bord de la crête sans détacher ses yeux des oies sauvages. En les regardant, il récapitulait tout le mal qu’elles lui avaient fait. N’était-ce pas à cause d’elles qu’il était exilé de la riche Scanie, et forcé de vivre dans le pauvre Blekinge. Il s’excita de plus en plus ; il aurait été content de voir périr les oies, même s’il n’avait pu les manger lui-même.

La haine de Smirre était ainsi surexcitée lorsqu’il entendit tout à coup un grincement dans un grand pin et vit un écureuil descendre de l’arbre, poursuivi de près par une martre. Ni l’un ni l’autre n’aperçut Smirre, et celui-ci resta immobile à regarder la chasse qui allait d’arbre en arbre. Il regardait l’écureuil se mouvoir entre les branches si légèrement qu’il semblait voler. Il regardait la martre qui n’avait pas tout à fait la même habileté, mais néanmoins descendait et remontait sur les troncs d’arbre, avec la même sûreté qu’elle eût parcouru les sentiers plats de la forêt. « Si je savais grimper moitié aussi bien qu’elle, se dit-il, les oies là-bas ne dormiraient pas longtemps tranquilles. »

Lorsque l’écureuil fut pris et la chasse terminée, Smirre s’avança vers la martre, mais s’arrêta à