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à travers la suède

ondées tandis que tout le monde se réjouissait de la pluie, mais comme il continua à pleuvoir tout l’après-midi, les oies s’impatientèrent, et crièrent aux bois altérés autour du lac Ivösjö : « N’en aurez-vous pas bientôt assez ? N’en aurez-vous pas bientôt assez ? »

Le ciel devenait de plus en plus sombre, et le soleil se cachait si bien que nul n’aurait pu deviner où il était. La pluie tombait drue, martelait lourdement les ailes, et se glissait, entre les plumes extérieures bien huilées, jusqu’au corps. La terre était cachée par une brume de pluie. Lacs, montagnes et forêts se confondaient dans un informe chaos ; on ne distinguait plus les points de repère. Le vol se ralentissait, les cris joyeux se turent. Nils sentait de plus en plus le froid.

Pourtant il avait gardé tout son courage tant qu’il avait chevauché à travers les airs. Le soir quand ils eurent atterri sous un petit pin rabougri, au milieu d’un grand marais, où tout était humide et froid, où quelques touffes d’herbe étaient couvertes de neige, où d’autres surgissaient nues d’une cuvette d’eau glacée à peine liquide, il n’était point encore découragé. Il courut çà et là joyeusement à la recherche de baies de canneberges et d’airelles gelées. Mais le soir vint ; l’ombre s’abattit si épaisse que même les yeux de Nils ne pouvaient la percer. Le désert devint étrangement sinistre et effrayant. Nils était blotti sous l’aile du jars, mais ne pouvait pas dormir parce qu’il était mouillé et avait froid. Il entendit tant de froissements et de frôlements, de pas glissants et de voix menaçantes, il ressentit une telle épouvante qu’il ne savait où se réfugier. Il fallait qu’il allât où brillaient feu et lumière pour ne pas mourir de frayeur.