Page:Lagerlöf - Le Merveilleux Voyage de Nils Holgersson à travers la Suède, trad. Hammar, 1912.djvu/108

Cette page a été validée par deux contributeurs.
86
le merveilleux voyage de nils holgersson

sant, et saisis d’un vertige mystérieux. Tout en glissant en avant, ils tournaient sur eux-mêmes, moitié volant, moitié dansant. Les ailes élégamment relevées, ils se mouvaient avec une rapidité incompréhensible. Leur danse avait quelque chose de singulier et d’étrange. On eût dit des ombres grises jouant un jeu que l’œil suivait difficilement, et ce jeu, il semblait qu’elles l’eussent appris des brouillards qui flottent sur les marécages déserts. Cela tenait du sortilège. Tous ceux qui venaient pour la première fois au mont Kullaberg comprirent enfin pourquoi la réunion était appelée la danse des grues. Il y avait de la sauvagerie dans cette danse, mais le sentiment qu’elle éveillait dans le spectateur n’en était pas moins une douce langueur. Personne ne songeait plus à lutter. Mais tous, ceux qui avaient des ailes et ceux qui n’en avaient pas, aspiraient à s’élever au-dessus des nuages, à chercher ce qu’il y avait derrière, à abandonner le corps pesant qui les entraînait vers la terre, à s’envoler vers le ciel.

Cette nostalgie de l’inaccessible, de ce qui est caché au delà de la vie, les animaux ne la ressentent qu’une fois par an, et c’est en voyant la grande danse des grues.