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tout ce qu’il put articuler, puis on n’entendit que quelques sons rauques arrachés du fond du gosier. Il ferma les yeux et chuchota : « Sis, sis, sis ! Écoute comme c’est beau ! Sis, sis, sis ! » Et il fut saisi d’un tel ravissement qu’il perdit toute notion de ce qui se passait autour de lui.

Pendant que le premier coq de bruyères était encore en train de siffler, les trois coqs posés au-dessous de lui se mirent à chanter ; et avant qu’ils n’eussent terminé leur chanson, les dix qui se trouvaient sur les branches au-dessous commencèrent à leur tour, et ainsi de suite de branche en branche ; et enfin les cent coqs de bruyères chantaient, gloussaient et sifflaient. Ils étaient tous saisis du même ravissement, et cela agit sur les autres animaux comme une ivresse contagieuse. Le sang, qui tout à l’heure avait couru joyeux et léger, était maintenant lourd et brûlant : « En vérité, c’est le printemps, se disaient les animaux. Le froid de l’hiver s’est évanoui. Le feu du renouveau brûle sur la terre. »

Lorsque les gelinottes virent le succès des coqs de bruyères, elles ne purent rester tranquilles. Comme il n’y avait pas d’arbre où elles pussent s’installer, elles s’élancèrent vers le champ des jeux où la bruyère se dressait si haute que seules les plumes gracieusement recourbées de leurs queues et leurs gros becs apparaissaient, et elles commencèrent à chanter : « Orr, orr, orr. »

Au moment où les gelinottes entraient en lutte avec les coqs de bruyères, quelque chose d’inouï se passa. Un renard profita du moment où l’attention de tous les animaux était fixée sur le jeu des coqs de bruyères pour se glisser vers la colline des oies sauvages. Il rampa très prudemment et était déjà pres-