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Je puis me dire dégoûté de tout mystère,
Depuis que la petite Ève maligne,
Tout en me souriant câline,
M’a fait signe
Qu’il faut se taire !…

Mystère et sourire,
Ô mon beau navire !

Sourire et puis chut,
Ah ! tais-toi, mon luth !


Et ce n’est pas sa chair qui me serait tout, ma parole...

Dans la toute matinée, au saint soleil, par l’heureuse prairie, en effet, c’est la nymphe Syrinx qui s’est avancée, imprévue, et toute vivante et en chair et en os (avec quelle jeunesse ses grands yeux le jurent !) et qui s’est arrêtée là, les regards ravis, le col penché, les bras ballants, charmée par la plainte inoffensive de Pan, et qui peu à peu s’est, ma foi, pour mieux écouter, mise à son aise, dans les jolis thyms, en face de lui, bien qu’à distance (bien qu’irréprochablement à distance).

Oh ! c’est parfaitement elle, rose et pudique, merveilleuse comme un amandier en fleur, en attendant !

Elle n’a pas honte, et sait ce qu’elle vaut, en dehors de tous étiages qu’il vous plairait. Mais avec sa forte chevelure montée en diadème très personnel, ses grands yeux élevés dans l’élévation et sa petite moue à peine rose, elle ne paraît guère pressentir qu’elle est au monde pour s’abandonner comme cela à la belle saison dans l’étourdissement des cigales.

Et cependant, malgré ses grands yeux élevés dans l’élévation et ses cheveux en diadème et sa moue si distinguée, elle