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Ô convoi solennel des soleils magnifiques…

Et plus rien ! ô Vénus de marbre ! eaux-fortes vaines !
Cerveau fou de Hegel ! doux refrains consolants !
Clochers brodés à jour et consumés d’élans.
Livres où l’homme mit d’inutiles victoires !
Tout ce qu’a la fureur de tes fils enfanté,
Tout ce qui fut ta fange et ta splendeur si brève,
Ô Terre, est maintenant comme un rêve, un grand rêve.
Va, dors, c’est bien fini, dors pour l’éternité.

Ô convoi solennel des soleils magnifiques…

Dors pour l’éternité, c’est fini, tu peux croire
Que ce drame inouï ne fut qu’un cauchemar,
Tu n’es plus qu’un tombeau qui promène au hasard
… sans nom dans le noir sans mémoire.
C’était un songe, oh ! oui, tu n’as jamais été !
Tout est seul ! nul témoin ! rien ne voit, rien ne pense.
Il n’y a que le noir, le temps et le silence…
Dors, tu viens de rêver, dors pour l’éternité.

Ô convoi solennel des soleils magnifiques,
Nouez et dénouez vos vastes masses d’or,
Doucement, tristement, sur de graves musiques,
Menez le deuil très lent de votre sœur qui dort.