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SOIR DE CARNAVAL


Paris chahute au gaz. L’horloge comme un glas
Sonne une heure. Chantez ! dansez ! la vie est brève,
Tout est vain, — et, là-haut, voyez, la lune rêve
Aussi froide qu’au temps où l’homme n’était pas.

Ah ! quel destin banal ! Tout miroite et puis passe,
Nous leurrant d’infini par le Vrai, par l’Amour ;
Et nous irons ainsi, jusqu’à ce qu’à son tour
La terre crève aux cieux, sans laisser nulle trace.

Où réveiller l’écho de tous ces cris, ces pleurs,
Ces fanfares d’orgueil que l’histoire nous nomme,
Babylone, Memphis, Bénarès, Thèbes, Rome,
Ruines où le vent sème aujourd’hui des fleurs ?