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Dans son Économique, Xénophon écrit : « Les gens qui se livrent aux travaux manuels ne sont jamais élevés aux charges et on a bien raison. La plupart, condamnés à être assis tout le jour, quelques-uns même à éprouver un feu continuel, ne peuvent manquer d’avoir le corps altéré et il est bien difficile que l’esprit ne s’en ressente. » « Que peut-il sortir d’honorable d’une boutique ? professe Cicéron, et qu’est-ce que le commerce peut produire d’honnête ? tout ce qui s’appelle boutique est indigne d’un honnête homme… les marchands ne pouvant gagner sans mentir, et quoi de plus honteux que le mensonge ! Donc, on doit regarder comme quelque chose de bas et de vil le métier de tous ceux qui vendent leur peine et leur industrie ; car quiconque donne son travail pour de l’argent se vend lui-même et se met au rang des esclaves[1]. »

Prolétaires, abrutis par le dogme du travail, entendez-vous le langage de ces philosophes, que l’on vous cache avec un soin jaloux : — Un citoyen qui donne son travail pour de l’argent se dégrade au rang des esclaves, il commet un crime, qui mérite des années de prison.

La tartuferie chrétienne et l’utilitarisme capitaliste n’avaient pas perverti ces philosophes des républiques antiques ; professant pour des hommes libres, ils parlaient naïvement leur pensée. Platon, Aristote, ces penseurs géants, dont nos Cousin, nos Caro, nos Simon ne peuvent atteindre la cheville qu’en se haussant sur la pointe des pieds, voulaient que les citoyens de leurs Républiques idéales vécussent dans le plus grand loisir car, ajoutait Xénophon, « le travail emporte tout le temps et avec lui on n’a nul loisir pour la République et les amis. » Selon Plutarque, le grand titre de Lycurgue, « le plus sage des

  1. Cicéron. Des devoirs I. Tit. ii. Ch. xlii.