Page:Lafargue - Le Droit à la paresse.djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.

à deux lieues et même deux lieues et quart de la manufacture où ils travaillaient.

« À Mulhouse, à Dornach, le travail commençait à cinq heures du matin et finissait à huit heures du soir, été comme hiver… Il faut les voir arriver chaque matin en ville et partir chaque soir. Il y a parmi eux une multitude de femmes pâles, maigres, marchant pieds nus au milieu de la boue et qui, à défaut de parapluies, portent renversés sur la tête, lorsqu’il pleut ou qu’il neige, leurs tabliers ou jupons de dessus pour se préserver la figure et le cou, et un nombre plus considérable de jeunes enfants non moins sales, non moins hâves, couverts de haillons, tout gras de l’huile des métiers qui tombe sur eux pendant qu’ils travaillent. Ces derniers, mieux préservés de la pluie par l’imperméabilité de leurs vêtements, n’ont même pas au bras, comme les femmes dont on vient de parler, un panier où sont les provisions de la journée ; mais ils portent à la main ou cachent sous leurs vestes ou comme ils peuvent, le morceau de pain qui doit les nourrir jusqu’à l’heure de leur rentrée à la maison.

« Ainsi, à la fatigue d’une journée démesurément longue, puisqu’elle a au moins quinze heures, vient se joindre pour ces malheureux celle des allées et venues si fréquentes, si pénibles. Il résulte que le soir ils arrivent chez eux accablés par le besoin de dormir, et que le lendemain ils en sortent avant d’être complètement reposés pour se trouver à l’atelier à l’heure de l’ouverture. »

Voici maintenant les bouges où s’entassaient ceux qui logeaient en ville : « J’ai vu à Mulhouse,