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« gardait ses commandements, en lui inspirant « un esprit de sagesse et d’intelligence qui lui fai« sait résoudre sans peine les plus difficiles ques « tions (1). »

Deux traits nous sont restés de ces dix années de Palencia. Pendant une famine qui désolait l’Espagne, Dominique, non content de donner aux pauvres tout ce qu’il avait, même ses vêtements, vendit encore ses livres annotés de sa main, pour leur en distribuer le prix, et, comme on s’étonnait qu’il se privât des moyens d’étudier, il prononça cette parole, la première de lui qui soit arrivée à la postérité :« Pourrais-je étudier sur des peaux mortes, « quand il y a des hommes qui meurent de faim (2)? » Son exemple engagea les maîtres et les élèves de l’université à venir abondamment au secours des malheureux. Une autre fois, voyant une femme, dont le frère était captif chez les Maures, pleurer amèrement de ne pouvoir payer sa rançon, il lui offrit de se vendre pour le racheter: mais Dieu, qui le réservait pour la rédemption spirituelle d’un grand nombre d’hommes, ne le permit pas.

Quand le voyageur passe, à la fin de l’automne, dans un pays dépouillé de toutes ses moissons, il rencontre quelquefois pendant aux arbres un fruit échappé à la main du laboureur, et ce reste d’une fertilité disparue lui suffit pour juger les champs in-

(1) Thierry d’Apolda, Vie de saint Dominique, ch. I, n. 17 et 18.

(2) Actes de Bologne, déposition de frère Etienne, n. 1.