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nelle infinie. Jamais la foi, la raison, la justice ne s’étaient étreintes sur un plus haut piédestal; jamais le rétablissement de l’unité dans les entrailles déchirées du genre humain n’avait paru plus probable et plus proche. Déjà le drapeau de la chrétienté flottait à Jérusalem sur le tombeau du Sauveur des hommes et conviait l’Église grecque à une réconciliation glorieuse avec l’Église latine. L’islamisme, vaincu en Espagne et chassé des côtes d’Italie, se voyait attaqué au centre de sa puissance, et vingt peuples, marchant ensemble aux frontières de l’humanité régénérée pour y défendre contre la brutalité de l’ignorance et l’orgueil de la force l’Évangile de Jésus-Christ, promettaient à l’Europe le terme de ces migrations sanglantes dont l’Asie était le foyer. Qui pouvait dire où s’arrêteraient les voies triomphales que venait d’ouvrir en Orient la chevalerie chrétienne? Qui pouvait prévoir ce qu’allait devenir le monde sous la direction d’un pontificat qui avait su créer au dedans une si vaste unité, au dehors un si grand mouvement?

Mais le douzième siècle n’acheva pas sa course comme il l’avait commencée, et quand, le soir venu, il pencha vers l’horizon pour se coucher dans l’éternité, l’Église parut s’incliner avec lui, le front chargé d’un pesant avenir. La croix de Jésus-Christ ne brillait plus sur les minarets de Jérusalem; nos chevaliers, vaincus par Saladin, conservaient à peine quelques pieds de terre en Syrie; l’Église grecque, loin de s’être rapprochée de l’Église ro-