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à ce personnage… distingué, dit Hugues, en riant.

— Hugues, répondit Mme Dussol, je suis peinée d’aprendre que tu t’es fait un ennemi du notaire Champvert. À mon avis, c’est un homme dangereux.

— Ah ! Bah ! fit Hugues, en haussant les épaules. Le notaire Champvert ne m’effraie pas, croyez-le ! Il a manqué de respect à Mlle Monthy, en ma présence ; or, je l’ai fait descendre de cheval ce rustre et je l’ai obligé de faire des excuses à ma fiancée… Bien, je suis dans l’obligation de partir maintenant. Au revoir donc, tante Blanche, fit le jeune homme, en déposant un baiser sur le front de Mme Dussol.

— Je n’ose pas te retenir, cher Hugues, répondit Mme Dussol ; mais, n’oublie pas ta promesse !

— Ne craignez pas ! Dans dix jours ou dans deux semaines, je reviendrai. Ce sera pour vous faire mes adieux, cette fois. D’ici là, j’aurai décidé où je devrai m’établir… Encore une fois, au revoir, tante Blanche. Ne pleurez pas ainsi, je vous prie, et, je le répéte, vous pourrez toujours compter sur moi. Bon courage ! Dans deux semaines, le plus tard !


CHAPITRE XVIII

SOUPLE-ÉCHINE


Deux semaines, ce n’est pas long, mais, que d’évènement dans un si court espace de temps parfois !

Tout d’abord, quand Hugues et Rita retournèrent aux Barrières-de-Péage, en compagnie du Docteur Philibert, après avoir passé trois jours agréables au Valgai, le fiancé de Roxane, en entrant dans la salle, aperçut une jeune fille, étendue sur le canapé, et qui paraissait dormir. La pièce était un peu sombre, car les stores avaient été baissées, à cause du soleil, par trop ardent, qui ne cherchait qu’à pénétrer par les fenêtres. Hugues s’approcha du canapé et se penchant sur celle qui dormait, il murmura :

— Ma Roxane !

Aussitôt, la jeune fille se leva et, avec un éclat de rire, elle dit :

— Je ne suis pas Roxane, Monsieur : je…

Mais Rita, qui venait d’entrer, eut une exclamation d’étonnement et de joie, et aussi vite qu’elle le put, avec l’aide de ses béquilles, elle accourut vers la jeune fille, en s’écriant :

— Lucie ! C’est Lucie !

— Rita ! Chère petite Rita !

— Ô M. Hugues, dit Rita, c’est Lucie… Mlle de St-Éloi, vous savez…

— Je suis fort heureux de faire votre connaissance, Mlle de St-Éloi, dit Hugues, en saluant la jeune fille. Votre nom ne m’est certes pas inconnu, car Roxane… Mais, Rita, reprit-il, en s’adressant à l’enfant, tu as oublié de me présenter à Mlle de St-Éloi.

— Oh ! Lucie, fit Rita, c’est M. Hugues… Je veux dire M. de Vilnoble, vous savez, et je l’aime de tout mon cœur… Roxane, elle aussi, elle l’aime. Et M. Hugues a une île, au milieu du lac des Cris, qu’il va nommer l’Île Rita, et puis…

Lucie rit d’un bon cœur à cette présentation d’un nouveau genre, puis elle tendit la main à Hugues.

— Roxane est sortie en voiture pour quelques instants seulement… Ah ! la voilà, je crois, ajouta-t-elle, en reconnaissant sur le pont le trot menu de Pompon.

Hugues s’excusa et il alla à la rencontre de Roxane.

Lucie de St-Éloi était une charmante jeune fille et une jolie fille ; pas une de ces beautés extraordinaires qu’on ne peut voir sans se retourner deux ou trois fois pour les regarder encore, mais cette mignonne blonde aux yeux bleus foncés, à la bouche mutine, ne passait pas inaperçue dans une foule. D’ailleurs, Lucie était si aimable : d’un caractère si naturellement gai, qu’elle devenait populaire tout de suite. Hugues, qui eut froncé les sourcils à la pensée qu’une amie de Roxane eut été de trop entre lui et sa fiancée, aima Lucie, en l’apercevant ; même il était content de sa présence aux Barrières-de-Péage ; ce serait moins triste pour Roxane ainsi, après son départ à lui, Hugues.

C’est le Docteur Philibert qui annonça à Hugues la nouvelle du mariage de sa cousine Yseult, huit jours plus tard. Yseult était partie en voyage de noces, avec son mari le notaire Champvert ; ils étaient allés à Lloydminster et ne seraient de retour que dans deux semaines, puis ils s’installeraient définitivement aux Peupliers.

— J’ai vu ta tante Dussol, ajouta-t-il ; elle m’a demandé de te rappeler la promesse que tu lui as faite d’aller la voir.

— Je n’y manquerai pas, répondit Hugues. Vous le savez, Docteur, je pars dans six jours.

— Et où vas-tu, Hugues ? demanda le médecin.

— Je vais m’établir sur mon Île Rita, vous savez ! La terre est bonne ; je la cultiverai, avec l’aide de Mathurin et de sa femme, qui ont toujours demeuré sur mon île, depuis qu’elle m’appartient… Et maintenant, Docteur, j’aimerais à retourner au Valgai avec vous ; j’ai des arrangements à faire avant mon départ.

— Tu es le mille fois bienvenu, Hugues, mon garçon ! répondit le médecin. Il y a place dans ma voiture.

— Oh ! Je monterai Bianco, dit Hugues. Je suis parfaitement guéri maintenant. Roxane, ma chérie, ajouta-t-il, en se tournant vers sa fiancée, je serai de retour pour le souper.

— Nous vous attendrons, Hugues ; ne nous désappointez pas !

Tandis que Roxane préparait le souper et qu’elle était en frais de confectionner un mets spécial pour la délectation de Hugues, elle entendit résonner le timbre, dans la salle d’entrée.

— Serait ce déjà Hugues ! se dit-elle.

— Il est près de six heures, tu sais, Roxane, répondit Lucie.

Mais non, ce n’était pas Hugues, car on pouvait entendre Belzimir, en grand colloque avec quelqu’un, sur le pont.

Roxane et Lucie allèrent voir ce qui se passait dehors, et elles aperçurent, monté