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L’ANGE DE LA CAVERNE

Après quinze jours de marche encore, Andréa crut pouvoir affirmer qu’on touchait à la fin du pénible voyage. Déjà, les parties très marécageuses se faisaient plus rares ; dans deux ou trois jours maintenant, on en aurait fini des marais et l’on atteindrait les bords du rio Oyapok. La dernière nuit que, d’après les calculs d’Andréa, on devait passer dans les marais de la Guyane Française, fut très sombre ; le temps était à l’orage. Yves et Andréa campés sur un rocher très plat, presqu’à fleur de terre, au pied d’un arbre gigantesque, ne songeaient guère à dormir. Tristan geignait tout bas ; c’est qu’il entendait des bruits étranges dans les bas-fonds des marais.

Le tonnerre se mit à gronder au loin et de longs éclairs sillonnèrent les nues. Puis, vint la pluie, et bientôt, le rocher sur lequel Yves et Andréa avaient trouvé refuge, ressemblait à un îlot aux trois quarts submergé. Les évadés s’empressèrent d’enfoncer, de chaque côté du rocher, les gaules, sur lesquelles ils étendirent la peau de jaguar. Sous cette tente improvisée, ils ne recevaient pas la pluie directement, au moins.

Les éclairs ne sont plus aussi espacés maintenant ; ils sont devenus fréquents, presque continuels et très aveuglants. Le tonnerre éclate avec fracas, à chaque instant, le vent souffle et pleure ; c’est le grand branle-bas des éléments. Le feu qu’Andréa avait allumé s’était éteint sous la pluie, maintenant torrentielle ; conséquemment, l’obscurité était très profonde, excepté quand les éclairs jetaient leurs blafardes clartés.

Tristan, abrité, lui aussi, sous la peau de jaguar, semblait très inquiet. Il continuait à geindre et, de temps à autre, il faisait entendre de sourds grondements.

« Une nuit terrible ! » s’écria Yves.

— « Terrible, en effet ! » répliqua Andréa. « Le chien est inquiet ; ayons l’œil ouvert et l’oreille au guet, Mirville… Si, au moins, notre rocher n’est pas submergé ! »

— « Que craignez-vous, Andréa ? » demanda Yves.