Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 1.djvu/189

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Avant de débarquer, dit Story[1], les pèlerins rédigèrent et signèrent volontairement un contrat de gouvernement, qui forme, sinon le premier exemple, au moins le plus authentique qu’on puisse trouver dans les annales du monde, d’un contrat social originaire ayant pour objet l’établissement d’une nation. Les philosophes et les jurisconsultes recourent perpétuellement à l’hypothèse d’un contrat semblable pour y trouver la mesure des droits et des devoirs qui incombent aux gouvernements et aux sujets ; mais la plupart du temps on voit dans cette hypothèse un effort d’imagination que ne soutient pas l’histoire ou la pratique des nations, et qui est loin de fournir une base solide pour les besoins actuels de la vie. On songeait peu que l’Amérique en fournirait un exemple dans toute sa primitive et patriarcale simplicité. »

J’en demande pardon à l’enthousiasme de Story, mais son patriotisme l’a emporté un peu loin, et, dans cet acte, rédigé entre les passagers d’un vaisseau, je ne vois rien moins qu’un contrat social, c’est-à-dire (comme l’entendait Rousseau) un acte par lequel un certain nombre d’hommes, vivant dans un prétendu état de nature, parfaitement indépendants, sans droits et sans devoirs mutuels, conviennent de se réunir et créent des droits et des devoirs, en d’autres termes, le juste et l’injuste, par leur seul consentement. Cette convention qui fait naître la société d’un contrat, c’est là ce qui n’a jamais existé, et ce dont on ne trouvera pas un exemple, car la société est

  1. Tome I, § 54.