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Il a été reconnu que le droit, appelé du nom de propriété littéraire, n’était que bien imparfaitement assimilable au droit de propriété, tel qu’on l’entend ordinairement, et que cette différence excluait l’application des règles communes ; il a été reconnu que l’on devait assigner pour principe au droit dont il s’agit, le sentiment de justice qui oblige la société à récompenser les travaux qui contribuent à son instruction ou à ses plaisirs ; que la publication d’un ouvrage devait être considérée comme établissant un lien de droit entre l’auteur qui livre à la société le fruit de ses méditations, et la société qui, en échange de cette jouissance, doit garantir à l’auteur le bénéfice attaché à la publication de son livre ; et l’on a vu avec raison, dans ce quasi-contrat véritable, une sorte de donation entre vifs, dont l’irrévocabilité ne s’applique pas moins aux droits que le public acquiert sur l’ouvrage, qu’à la réserve des avantages que l’auteur a dû se promettre en le lui livrant, avantages nécessairement transmissibles, communicables, et qui, dans la justice, ne doivent subir d’autre limitation que celle de l’intérêt social.

De là on a dû conclure que tous les bénéfices résultant des impressions successives, qui pourraient être perçus sans nuire à la liberté de la presse et aux intérêts du commerce, devaient, en bonne justice, passer, après la mort d’un auteur, à ceux qui le représentent suivant la nature et suivant la loi[1].

J’ai peine à comprendre comment un livre engendre une donation qui est en même temps un quasi-contrat, et je ne suis pas fixé sur la nature de cette obligation universelle de toute la société envers un auteur et son œuvre ; mais ce qui ressort clairement des idées de la Commission, c’est que cette obligation de la société est toute bénévole ; c’est à l’État qu’il appartient de fixer la durée de la rémunération ; la société récompense l’écrivain qui l’instruit ou l’amuse ; en d’autres termes, le droit des auteurs est un privilége social, au lieu d’être un privilége royal, mais ce n’est pas un droit absolu, ce n’est pas une propriété.

  1. Commission de la propriété, p. 127