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fin de roman

il y en a tant ! Et elle n’était nullement coquette, nullement aguichante, provocante.

L’on causa pendant une heure sur des sujets indifférents, puis M. Frigon partit, disant qu’il ne voulait pas laisser sa mère trop longtemps seule, le soir.

— Ah oui, ce n’est pas un homme comme les autres, déclara Mme Lafond, répétant le jugement exprimé précédemment par Mme Demers. C’est sûrement un original. Mais s’il retire un gros salaire…

Le salaire, c’était le point important.

— Vrai, tu ne t’es pas beaucoup poussée ce soir, remarqua aigrement Mme Lafond à sa fille en retournant à la pension après avoir quitté la maison de Mme Demers. Je te pressais le pied avec mon soulier pour te réveiller, mais tu n’as pas dit un mot de la soirée.

— Que vouliez-vous que je lui dise ? maman. Je ne trouvais rien à lui raconter.

— Ce n’est pas ainsi que tu accrocheras un mari.

Mais malgré cela ou plutôt à cause de cela, M. Frigon l’avait remarquée et s’était dit en lui-même que ce n’était pas là une personne fatigante, l’une de ces pies qui jacassent continuellement sans jamais exprimer une idée et qui vous étourdissent de leur bavardage.

Des jours s’écoulèrent, puis Mme Demers apprit un matin que la mère de M. Frigon était tombée paralysée. Et le fils était à la recherche d’une garde-malade pour prendre soin d’elle.

Deux jours plus tard, M. Frigon arrêta en passant et annonça à Mme Demers le malheur qui le frappait. En même temps, il demanda des nouvelles de Mme Lafond et de sa fille. Ceci était tellement en dehors des habitudes de M. Frigon que Mme Demers en fut toute surprise et alla