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fin de roman

l’argent à faire vivre. Mais Mme Lafond était une femme de ressources, une femme d’initiative et à décisions rapides. Avec cela, très sociable, la parole facile et d’un commerce agréable.

Comme l’on était au commencement du printemps, elle annonça : À l’été, j’ouvrirai une pension. Nous n’aurons pas de difficultés à trouver des gens de la ville qui viendront passer ici une semaine ou quinze jours de vacances. Puis, d’un ton plus bas, elle ajouta en jetant un regard circulaire sur ses quatre filles : Et qui sait ? Vous trouverez peut-être à vous marier.

Et les quatre jeunesses se trouvèrent gagnées à l’idée de leur mère. Élise, la plus vieille avait vingt et un ans, Estelle, vingt ans, Simone, dix-neuf et Lilliane, dix-huit.

Tel que décidé, la pension Lafond ouvrit ses portes au commencement de l’été après avoir été annoncée dans les journaux. De divers côtés il vint des pensionnaires, mais Mme Lafond constata bientôt qu’elle ne ferait pas fortune avec cette industrie. Simplement, elle faisait à peu près ses frais. Elle persista, mais à la fin de la saison, elle n’avait fait que quelques piastres de bénéfice et n’avait pas marié une seule de ses filles. Alors, pendant tout l’automne et tout l’hiver, elle rumina des plans. Au printemps, elle changea de tactiques. Nous allons risquer le tout pour le tout, annonça-t-elle à ses filles. La pension ne nous a pas réussi. Alors, nous allons faire le contraire. Nous allons nous-même nous mettre en pension dans une place de villégiature à la mode. Si les garçons n’ont pas été tentés par des filles de table, par des serveuses, ils le seront peut-être par des demoiselles. Ce qu’il faut, c’est vous placer, vous marier.