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LE BIENHEUREUX
MONSIEUR FRIGON


À l’âge de quarante-deux ans, Mme Lionel Lafond, d’un petit village des Cantons de l’Est devint veuve avec quatre grandes filles, un garçon et une police d’assurance de cinq mille piastres.

Depuis longtemps elle s’attendait à cela, car son mari était tuberculeux et le médecin lui avait prédit que le malade ne pourrait durer. L’huile dans la lampe achève de brûler, avait-il déclaré.

Bien qu’elle eût été avertie d’avance de ce qui devait arriver, Mme Lafond qui avait pourtant eu le temps de se préparer à cette éventualité se trouva un peu désemparée et embarrassée lorsque l’événement se produisit. Désormais, elle avait la charge complète de la famille et c’était une lourde responsabilité, une tâche difficile à assumer avec les ressources dont elle disposait. Philibert, le garçon, âgé de vingt-deux ans, employé à petit salaire dans la banque de l’endroit, songeait déjà à se marier. Bien sûr qu’il ne fallait pas compter sur lui pour aider la famille. Quatre grandes filles qui ne travaillent pas, du moins qui n’ont jamais travaillé, qui sont sans expérience, cela coûte de